Après avoir goûté les joies de la Ruta 40, nous quittons Esquel et la Trochita pour repasser au Chili et tester le ripio de la Carretera Austral...Pour se mettre en condition, on commence par 150 kms dont 34 asphaltés, de route de liaison.
Au poste frontière Argentin, nous rencontrons Marcus, un brésilien voyageant seul, et entrons au Chili ensemble.
Il fait un temps superbe.
Lac saphir,
forêt d'émeraude,
maisonnettes en bois,
Oh mais c'est plein de petits bijoux ici aussi.
J'arrive presque à oublier le ripio.
Définition du ripio... Cailloux + sable, plus ou moins épais, plus ou moins damé, ça dépend du traffic, avec ou sans trous, ça dépend de la pluie.
On voit des dizaines d'auto-stoppeurs, sur cette fameuse Carretera Austral, parfois au milieu de nulle part. Le matin et le soir, on les retrouve en grappes à l'entrée et sortie des villages. La plupart sont chiliens ou argentins, car ce sont leurs grandes vacances jusqu'à fin février. Mais beaucoup sont israelites. En discutant avec eux, on apprend qu'une fois terminé leurs 3 ans de service militaire, ils travaillent comme des fous pendant 6 mois à 1 an et partent ensuite, durant quelques mois, pour " décompresser ". Leur destination première favorite, Argentine/ Chili, en second, le Sud-Est asiatique, c'est sauvage, bon marché, avec de grands espaces... Et beaucoup plus sûrs et accueillants que les pays limitrophes d'Israël.
Exemple de "décompressage", plongeon du haut du pont !
Le ciel se couvre, la température chute, le lac Yelcho est d'un noir d'encre.
Ambiance spectrale.
Nous arrivons à Santa Lucia, minuscule village de 200 âmes, et son adorable église miniature en bois. On décide de dormir dans la petite hospedaje, qu'on aperçoit derrière l'église.
Marcus continue sa route.
Le matin, je cuisine des oeufs brouillés sur l'antique cuisinière à bois qui chauffe également toute la maison.
Accrochés au mur la panoplie du parfait gaucho.
Ca parait dingue, mais la Carretera Austral qui va de Puerto Montt à Villa O'Higgins soit environ 1240 kms a été commencée en 1976 et inaugurée en 1986 !!! Grâce à Augusto Pinochet. Elle permet de relier entre elles les régions et les villages les plus reculés du Chili. Avant il n'y avait RIEN ! Il fallait passer par l'Argentine. Travail titanesque, traversée de fjords, de cols, et perçage de roche glacière.
Chaque année le gouvernement en pave des petits morceaux...les plus optimistes, pensent que tout sera asphalté en 2015... d'autres disent, dans 10 ans.
Dépêchez vous de venir les fêlés de la piste, pour goûter au " Que du bonheur".
Cette région ressemble à la rain forest du Costa Rica avec ses feuilles géantes. Celles-ci ont des fleurs.
Et Il y a des variètés, mâle et femelle.
5 heures de pistes sous la pluie, ça suffit pour aujourd'hui, on se cherche un toit pour la nuit. Les hospedajes sont très vite prises d'assaut par les backpackers malchanceux qui n'ont pas trouvé de véhicule pour les emmener plus loin.
Laurent profite de l'internet pour mettre à jour le site,
pendant que je regarde tomber la pluie sur le lac de Puyuhuapi.
Nous reprenons la route avec le soleil,
Jusqu'au Parc National Queulat et son glacier.
On embarque sur le lac afin de le voir de plus près. Nous partageons la barquette avec deux couples d' allemands très sympas, qui font à peu près le même itinéraire que nous.
De montagnes verdoyantes en pitons rocheux,
de rivières hésitant entre le céladon et le turquoise,
nous arrivons à Puerto Aysen.
Carmen nous accueille dans son hospedaje, et nous régale de sa cuisine familiale et copieuse.
Il ne se passe rien de spécial, on ne tombe pas en panne, on ne tombe pas du tout, d'ailleurs ! Je tempête toujours autant, toute seule dans mon casque, d'être bringuebalée sans ménagement...j'ai l'impression de voyager assise sur un marteau piqueur...mais c'est beau à regarder...fatiguant mais beau.
Heureusement, voici l'Homme de la situation...
Qu'aucune piste n'effraie !
Faut pas que je me plaigne, il aurait pu vouloir me faire voyager la-dessus !
Le temps de lever la tête pour admirer le Cerro Castillo, qui a toujours un peu la tête dans les nuages,
nous repartons dans un train d'enfer, dans ces paysages paradisiaques.
Rivière lagon,
Couleur d'opaline.
La pluie s'invite,
au moment où nous rencontrons Valentine et Gonzague, sympathiques jeunes mariés lillois, en voyage pour 6 mois.
J'ai peur, Valentine, que le poncho ne soit pas suffisant...
Comme dit l'adage, après la pluie vient le beau temps !
Et c'est heureux, car nous allons en faire presque le tour, de ce magnifique lac.
De "General Carrera" pour sa partie chilienne, il se change en lac "Buenos Aires" en Argentine.
C'est le deuxième plus grand lac d'Amérique du Sud, après le Titicaca, j'imagine.
Sa couleur et sa pureté sont fabuleux. Au total on va le longer pendant 250 kms, 95% de piste.
A Puerto Tranquillo, on embarque sur un lac démonté pour admirer la curiosité locale, la Capilla de Marmol,
"Mais dites moi, dites moi, oh Grand Maître, comment s'appelle cette secte très très étrange ? "
"Mais enfin vous voyez bien que c'est la secte des Encapuchonnés de Marmol !
"Chut ils nous regardent du coin de l'oeil !"
Jolie lumière sur le lac pour nos premiers tours de roues tôt le matin.
Le vent de patagonie que je redoute tellement ne s'est pas levé. On est plutôt chanceux jusqu'à présent.
Toute la journée, la piste longe ce lac extraordinaire.
Ce soir nous dormirons de nouveau en Argentine. En attendant on profite du paysage.
Rivière au fond des gorges,
Joyeuse cascade d'eau cristalline,
l'eau, la terre, mariage heureux;
Bijoux unique dans son écrin de verdure.
Parfois le terrain est un peu mou, car pour entretenir la piste, ils bennent des tonnes de terre mélangée de cailloux avant de l'étaler en couche épaisse, comme des grosse tartine de nutella...la dameuse passe après... ou pas !
Ah ben là c'était vraiment très mou !
Dernier paysages de la carretera autral, avant Chile Chico et la frontière argentine.
La Plaza de Viento...Il parait qu'il y a du vent en Patagonie !
Un pur, un dur, fana du style militaire, un jeune allemand et sa copine parlant parfaitement français, voyagent avec une vieille BMW de 1982, avec selle en bois découpée "maison" pour "rouler dans la rivière", et tout le matos venant des surplus de l'armée.
Une matraque téléscopique pour assommer les chiens mordeurs, et une machette, sous la veste pour couper son saucisson, comme dit ce sympathique garçon, je ne peux rien casser que je ne puisse réparer.
"Bon faut aimer le style camouflage !"
Au bout de la rue principale de Chile Chico,
la frontière argentine.
Au total, on aura roulé 610 kms sur les 1240 de la Carretera Austral dont 220 asphaltés.
Pas si mal.
Je me retourne pour un dernier regard sur ces montagnes.
La partie la plus difficile du voyage nous attend.
Du village Perito Moreno à Tres Lagos, de la piste, de la piste, de la piste, pas de ville, pas d'essence, rien que des paysages.
On va en manger du cailloux.