MIDNIGHT SUN EN ALASKA

En route pour l'Alaska ! La Top of The World Highway, est ouverte d'avril à octobre ... Le top des routes défoncées, oui ! 
200 kilomètres de gravels, de trous, et de montagnes russes entre Canada et Alaska, qui serpentent sur une ligne de crêtes recouvertes de landes, d’où son nom.
Dommage le temps n'était pas terrible et un incendie a obscurcit le ciel et l’horizon pendant les trois quart du trajet.
Le passage de frontière entre Canada et USA se fait au milieu de nulle part. Le gars qui tamponne les passeports était bien content de discuter un peu. Ils ne sont que deux, un canadien et un américain à s’occuper des formalités de douane, perchés à 1500m d'altitude et à des kilomètres de la civilisation. L’horloge avance d’une heure ! On en est à 10h de décalage  avec la France ! Quand il est 20h en France, il est 10 h du matin ici.
Une photo s’impose au pied du panneau qui indique l’entrée en Alaska, et premiers tours de roues aux Etats-Unis.
Arrêt à Chicken, petite « ville » de trois boutiques qui appartiennent à une femme. Une épicerie, un bar et un saloon ! Incontournable pour les motards qui empruntent la Top of The World Highway.
Ok le bar est sympa, avec ses milliers de casquettes dédicacées qui pendent du plafond, son vieux juke’s box, les cartes de visites du monde entier punaisées sur tous les murs, et les tabourets de bar en bois et cuir, …Ok il y a deux motards un peu « chiens fous » en KTM qui font un break, après avoir vaincu la Dempster Highway, et vont attaquer la Dalton Highway jusqu'à Prudoe Bay !
Oui mais non ! Il n'en est pas question, je refuse de planter la tente sur le parking ! Pour notre première nuit en Alaska, ce n’est pas top.
Donc ce sera Tok ! La prochaine ville une centaine de miles plus loin. 
A peine arrivés sur le parking du camping, nous sommes harponnés par un groupe de trois joyeux motards en Harley Davidson qui rentrent chez eux en Colombie Britannique après un trip de quelques jours en Alaska. Eux vont dormir dans un hôtel étoilé. John, un gaillard d’1 mètre 95 et  120 kg nous donne son numéro de téléphone.  « Appelez-moi, quand vous serez à Vancouver ». Ben Ok John, à plus tard, ride safe !
Le soir, après avoir planté la tente, et diné au chaud et au sec, nous partons pour une expédition déboulonnage-de-plaques-d’immatriculation dans une casse que nous avons repérée en arrivant. Je fais le guet tandis que Laurent fait la razzia pour notre collection. Les plaques sont vissées et non rivetées, ce qui facilite les choses sauf quand tout est rouillé.

Réveil pluvieux, réveil heureux ! 
C'est l'anniversaire de mon homme ! 
En Alaska, l'été court de mai à septembre, mais les journées sont longues car le soleil ne se couche quasiment pas. Si la végétation se dépêche de pousser, la DDE locale se dépêche de refaire les routes… 
Et voilà de nouveau le panneau que je déteste le plus : le losange jaune « loose gravel ». Un jeune homme, ou est-ce une jeune femme, on ne sait pas trop, car ils sont emmitouflés, capuche rabattue sur le visage, en tentant de lutter contre le froid, ils brandissent, des heures durant, leur panneau double face, rouge et vert, stop/go au nez des usagers de la route.

« Eh mais dit donc mon P'tit Poucet orange, tu vas arrêter de looser tes gravels partout sur notre chemin ! J’en ai maaaarre de la gravel ! » Pourtant, qu’est ce que c’est beau ici !
La Glenn Highway que nous empruntons est classée National Scenic Byway. Ce label décerné par le ministère des transports américains, valorise les routes américaines reconnues pour leur richesse historique, panoramique ou culturelle

Les américains et les canadiens sont décidément des gens adorables… Arrêtés sur un belvédère pour prendre en photo le glacier Matanushka, on discute cinq minutes avec un couple en Harley, Jim et Maggie. Nous repartons avec leur numéro de téléphone et une invitation chez eux ! Ils habitent dans le South Dakota, tout près du Mont Rushmore. 
Incroyable, soit les motards sont tous des amours, soit on a vraiment des bouilles qui inspirent confiance. Soit les deux !
On s'était habitué à ne pas croiser grand monde sur ces routes, à rouler des centaines de kilomètres sans traverser de ville, mais depuis deux jours, on voit nettement le changement.

On approche d’Anchorage et nous avons rendez-vous avec Lise et Scott, contactés via le site d’Horizon Unlimited. Nous nous donnons rendez-vous au supermarket pour faire les courses car ils habitent une maison un peu isolée dans la campagne. Le premier contact est un peu distant, ils nous suivent en silence dans les rayons du magasin, tandis que j’empile les légumes, et la viande dans le caddy. Je suis maintenant au top sur la ratatouille ! Je les trouve un peu bizarres, mais bon. Nous arrivons chez eux, et lorsqu’ils ouvrent la porte, une terrible odeur d’urine de chat nous prend à la gorge et nous pique les yeux. Eux n’ont pas l’air incommodé. On dirait qu’ils habitent chez leurs cinq chats angoras qui ne mettent jamais une moustache dehors à cause des animaux sauvages. La maison est dans un état…. On n’a vu ça qu’à la télé dans une émission, ou deux mamies venaient en aide à des gens débordés par leurs immondices. Je me disais que ça ne pouvait pas exister. Ben si ! Une chienne un peu flippée dort dans la baignoire de la salle de bain du bas, qui n’a JAMAIS été nettoyée. La cuisine est dans le même état. Une bouilloire collante de graisse est posée sur la gazinière qui n’a jamais connu la gratounette. Lise est en terre inconnue dans sa cuisine, elle ne sait pas du tout où sont rangées ses gamelles. C’est son mari qui fait la tambouille. Pour faire vite, je décide de préparer ma ratatouille au micro-onde. Rouge comme une pivoine elle m’explique qu’elle a oublié de le nettoyer. Tout en parlant j’ouvre la porte dudit appareil et je reste sans voix… « Aaaah mais ça fait combien d’années que tu oublies de le nettoyer ma cocotte ?»  Non seulement c’est d’une saleté repoussante, mais une odeur fétide s’en échappe. Je suis au bord de la nausée. Je referme la porte prestement et me rabats sur une casserole. Pendant ce temps Laurent tente laborieusement d’entretenir la conversation sur les motos avec Scott qui n’a pas grand-chose à dire. Moquettes, canapé, fauteuils, disparaissent sous les poils de chats. On fini par s’habituer à l’odeur, mais j’imagine mes vêtements s’imprégner de cette puanteur. Lise pousse tout un tas de trucs de la table basse dont la vitre n’est plus transparente depuis belle lurette, et met la table. Je retire mes lunettes pour ne pas voir l’état des assiettes. Laurent se lève, son pantalon noir de moto est couvert de poils. Je n’ai qu’une envie ficher le camp…pour être polie ! On invoque une grosse fatigue, on décline l’offre du canapé lit et on file dehors installer notre tente. Le lendemain matin, on attend qu’ils soient partis bosser pour faire un saut dans la salle de bain, en apnée et en fermant les yeux avant de déguerpir. On roule visière ouverte pour respirer à plein poumons.
L'Alaska est très réputé pour la randonnée, le trek, l'escalade, les expéditions en haute montagne et pour ses parcs nationaux. 
Le Mont Mc Kinley, le plus haut sommet d’Amérique du Nord culmine à 6194 m, mais à cette époque de l’année il se cache dans les nuages et il est très difficile de l’apercevoir. On ne peut que l’admirer sur les photos.
Il ne se dévoile qu’en septembre, bon ben on est encore en avance !

Etape à Talkeetna, charmante petite ville, dont l'aérodrome sert à emmener les touristes survoler les montagnes pour un p'tit $350 (prix minimum) et déposer les alpinistes au pied du Mc Kinley, la star, pour les départs de treks, et d'ascensions.

Nous plantons la tente dans le terrain de l'hostel de Talkeetna, repaire de trekkeurs.

Nous sympathisons avec un couple, Mike et Carole, qui rentre justement de 21 jours de trek. Ils ont du renoncer à 200m du sommet à cause de la météo. Sans assistance oxygène. Carole fait ma taille et elle porte elle-même son sac de 22 kg …Moi je dis chapeau bas !!! 
Comme dit Mike, la seule façon de voir le sommet du Mc Kinley est de l'escalader pour passer au dessus des nuages.
Tous les deux habitent à Jackson Hole (Wyoming), c'est un peu le Chamonix de chez nous. Ils sont guides et sauveteurs en haute montagne depuis une vingtaine d'années, eh ben devinez quoi ? Nous sommes chaleureusement invités à les contacter lors de notre passage au Wyoming.

Décidément, la vie en hostel est vraiment marrante. La maison a plusieurs chambrées, des sanitaires, une pièce commune conviviale, cosmopolite avec des cartes du monde épinglées sur les murs, des dédicaces, des drapeaux de tous pays, souvent un ordinateur à disposition, des bouquins que les gens laissent, on peut même parfois  échanger des guides.
La cuisine se partage et chacun fait sa popote et sa vaisselle. Dans les placards les gens laissent des denrées dont ils n’ont plus besoin qui pourront servir à d’autres. Tout est à disposition, une sorte « d’auberge espagnole » la plupart du temps  bien tenue.

Pas de réceptionniste, on arrive, on s'installe s’il y a de la place pour une ou plusieurs nuits, quelqu’un passe en fin de journée pour encaisser les nuitées et puis on repart. 
Les soirées sont bruissantes de conversations, de rire et de musique, ça me rappelle la chanson :
« C'est une maison bleue accrochée à la colline on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clé... Na na na na... » On a tous massacré la chanson de Maxime le Forestier. 
Oui je sais ça fait un peu baba cool mais c'est l' fun ! Décidément j'adoooore cette expression !

C'est vraiment une autre vie ici en Alaska ! Beaucoup de gens habitent des régions tellement inaccessibles que seule la voie des airs est possible. 
Ils possèdent tous un p'tit coucou, pour aller et venir, faire les courses ou visiter leurs amis. Ils prennent leur avion comme nous on monte en voiture !

Ils peuvent le « chausser » en fonction de la saison ou du terrain.
Des hydravions pour ceux qui habitent près des lacs. Des gros pneus pour les pistes empierrées, il existe aussi la version mixte ski/pneu

Et puis l'Alaska, pour nous, c'est aussi une histoire émouvante…
Un soir de janvier 2008, dans une salle obscure, sur écran géant, on se l'est pris en pleine figure, et surtout en plein cœur! «  Into The Wild », le film de Sean Penn qui retrace la vie de Chris Mc Candless. La bande originale est une chanson d’Eddie Vedder qui prend les tripes, à vous tirer les larmes.
Sortis de la salle obscure, nous en avons perdu la parole pendant plus d'une heure.         Nous n'osions même plus nous regarder, tellement l'émotion était grande... 
Je ne vais pas raconter le film, il faut le voir. 
Pour ceux qui savent... On l'a vu ...le « Magic Bus ». Le bus 142. Celui du film, pas le vrai. Celui là est toujours quelque part perdu au bout du Stampede trail, là où la vie de Chris Mc Candless s'est arrêtée en Août 1992.

Suite à plusieurs accidents mortels de gens qui faisaient un trek « pèlerinage » jusqu'au bus, (succès du film oblige), les autorités ont décidé d'exposer celui du film, pour mettre un terme à l’hécatombe. 
Bon voilà, ça nous tenait à cœur.
« … Mais non je n'ai pas plombé l'ambiance ! »

Allez, la wild life (vie sauvage) c'est plein de surprises aussi !
On vient de payer $ 65  pour faire huit heures de bus et seulement 80 kms (décidément !) avec quarante clampins (comme nous) dans le Dénali National Park. Le chauffeur a l’œil sur la montre et ne nous laisse pas beaucoup de temps pour photographier le peu d’animaux que nous apercevons. Décidément c’est tout ce qu’on déteste ! Mais les véhicules individuels sont interdits dans la réserve.
On a vu trois grizzlis au bout de nos jumelles, deux mooses pas plus grands que des fourmis, un renard (red-fox) qui prenait un bain de soleil sur le bord de la route, deux arrêts pipi à l'aller et les mêmes au retour.

On revient  tout endoloris des secousses de cet autocar d'un autre âge, « ben vi, parce que le car c'est moins confortable qu'une GS ! » Pour tomber nez à truffes avec une maman moose et ses deux bambins qui broutaient les arbres à vingt mètres de notre tente ! Elle n’est pas belle la vie ! On a sagement attendu qu’elle finisse de diner et décide de s’éloigner avec ses rejetons, car elle n’est pas toujours finaude la maman moose, si elle considère que ta présence l’importune ! Elle peut charger et même te tuer !

Les mooses mâles eux, se battent pour leur belle comme des chevaliers, mais parfois il y a les casques à pointes qui se coincent, leurs impressionnantes ramures s’emmêlent au cours de la joute sans qu’ils puissent de dégager... Résultat, deux morts et un trophée cornu qui s'exhibe au Visitor Center ! Impressionnant.
Nous poursuivons notre route vers le cercle polaire. Nous nous arrêtons à Fairbanks pour une escale technique. La moto à besoin de se chausser. Changement du pneu arrière dans une concession Harley Davidson, qui malgré un rendez-vous en bonne et due forme fait poireauter Laurent toute la matinée. Toutes les Harley qui arrivent passent avant lui. Les premiers seront les derniers… ou l’inverse.
Pendant qu’il trépigne au garage, je profite du confort et de la douche.
Comme il n'y a pas grand chose à faire, on se balade dans le Pioneer Park où sont exposés d’antiques tracteurs avec les roues en fer, et de vieilles machines à godets qui finissent de rouiller tranquillement dans un pré.

Nous déambulons dans une rue bordée de petites cabins de rondins. Ces maisonnettes en bois restaurées, restituent l'ambiance de l'époque bénie des premiers pionniers et de la ruée vers l'or.

Pour terminer la visite du parc, nous visitons un bateau à aube en cale sèche, dans lequel les maquettes très réalistes de petites villes sont exposées. Ces villes ont des noms à consonance russe, car autrefois l'Alaska était russe, jusqu'à ce que la Mère Patrie la vende aux américains. Ce n’est qu’en 1959 que  l'Alaska deviendra le 49ème  état des USA.
Allez c'est parti pour la Dalton Highway, nous ne ferons que 400 kms sur les 1600 aller/retour. Nous on veut  juste toucher la ligne du Cercle Polaire !

Mon amoureux ne se sent plus de joie, avec un pneu arrière neuf sur une route qui tournicote un peu. Il entreprend de raser toutes les tétines qui dépassent... Oui mais pas trop viiiiite !!!

Construite en 1974 à partir de Fairbanks pour rallier Dead horse / Prudhoe Bay, la Dalton Highway suit le Trans-Alaska Pipeline. Il traverse l'Alaska de part en part et achemine le pétrole sur plus de 1300 kms, c’est le plus long du monde.  Il joue à cache-cache et à saute-mouton avec la Dalton. Parfois il ruse, comme un gros vers d'acier, il s'enfonce sous terre pour réapparaitre quelques miles plus loin.

Sur le bord de la piste, des baraquements sont posés ça et là, destinés à ceux qui travaillent dans les champs de forage du Grand Nord, ainsi qu'aux rares routards qui osent s'y aventurer,

Une femme, un foulard noué sur son crane nu…vit seule dans son bar / sandwicherie / boutique à souvenirs à 60 kms de la ligne imaginaire du cercle polaire. Elle se rend une fois par mois à Fairbanks pour son traitement de chimio. Nous repartons après avoir bu un café bien chaud et lui avoir souhaité tout le courage possible.

A partir de Yukon River de grands panneaux fédéraux indiquent qu’il est interdit de s'aventurer au delà de cinq miles de chaque côté de la route.... Tiens-tiens ! Terrain miné ?
La piste est roulante, et en permanence arrosée par des camions citerne et damée par des énormes rouleaux compresseurs. Ce que je n’aime pas, c’est quand on roule dans la boue avant que la dameuse ne soit passée. Vivement qu’on arrive !

C'est une sensation étrange de se trouver si loin au Nord, si loin de tout, à des milliers de kilomètres de chez nous, si minuscules dans ces territoires inhabités.
Et pourtant... nous croisons par hasard, sur la piste boueuse, Nick et Ivanka s’en revenant  de Prudhoe Bay. Ils sont londoniens, voyagent tous les deux sur une BMW1150 GS. En France, nous étions en contact avec eux via le Net depuis quelques mois. On savait qu’ils  partaient d’Anchorage début juin et montaient au Cercle Polaire pour ensuite se diriger plein sud vers Ushuaia. Mais se rencontrer là, sur cette piste du bout du monde sans s’être vraiment donné rendez-vous… Surréaliste. En même temps, impossible de se louper ! Il passe un véhicule tous les deux jours.
« See you later guys » il est probable que l’on se revoit…un jour, ailleurs.

La Dalton Highway coupe le Cercle Polaire. « A y est »...Touché !
Nous sommes le 14 juin, une photo devant le panneau, pour immortaliser ce moment unique. Nous sommes arrivés au point le plus septentrional de notre voyage. Le ciel est bleu marine, le soleil glacial et des hordes de moustiques sauvages nous assaillent, on se fait littéralement embrocher ! Heureusement quand Deet spray est là, ça va.
Vite,  dépêchons nous de planter la tente …seul au monde. Le soleil déclinera sans jamais disparaitre à l’horizon. Camper au cercle Polaire nécessite un équipement spécial, on utilise les bandeaux bleus récupérés dans l’avion, c’est très moche mais très utile pour s’endormir. Quant aux petits trucs orange vissés dans les oreilles de monsieur…paraitrait qu’un train omnibus traverse la tente toutes les nuits…Humm, ça reste à prouver !
Demi-tour. Il nous faut retourner à Fairbanks et pousser jusqu’à Delta Junction pour la prochaine étape. Le temps se gâte, de lourds nuages noirs menacent et ont la bonne idée de ne craquer qu’au moment où nous rejoignons l’asphalte.

Depuis notre départ le 4 mai, nous roulions toujours plein Ouest, ou plein Nord, maintenant jusqu’à Ushuaia ce sera cap au Sud, toute !

« Alors le Cercle Polaire... c'est fait ! Next. »
Sur la route, nous croisons Santa Claus qui se prend pour le Père Noël. Sa colossale statue de fibre de verre trône dans la petite ville de North Pole. En plein mois de juin, visiter la maison du Père Noël, c’est, comment dirais je…Rafraîchissant. J’ai même eu le grand privilège de m’assoir sur ses genoux « na na na nanè reuh ».
Je cherche Laurent partout au milieu des boules et des guirlandes et le trouve, assis dehors dans le traineau plein de cadeaux. « Ça y est bébé, t’as bien joué ? Allez, on y va maintenant. »

ON A MIS LE PAQUET SUR LA CROISIERE

En route pour le Sud... ben c'est mal parti ! On a juste oublié de faire le plein en quittant la dernière ville, Delta Junction ! « Le Mile Post, bible des camionneurs, n’est pas très à jour, dit donc ! ». Une station était signalée mais elle n’est plus en service. Aucune pompe à l’horizon sur ce tronçon. Alors soit on roule à 30 km/h, soit on tombe en panne et je pousse...Soit, on demande gentiment à un charmant couple de Floride, voyageant en camping-car, arrêté  sur une aire de repos de nous dépanner de deux ou trois litres. Ce qu’il accepte bien volontiers ! « Merci à vous deux et bonne route. »

Il fait beau mais ça ne va pas durer. Le ciel est plombé et contraste joliment avec les plaques de neiges craquelées qui recouvrent les rivières.

La route est belle mais ça ne va pas durer non plus !
Il manque de larges bandes de bitume ce qui crée de véritables montagnes russes et je dois vraiment me cramponner aux sacs. On roule difficilement au dessus de 80 km/h. Le vent souffle et il se met à pleuvoir si fort que je me cache dans le dos de Laurent qui affronte seul les éléments déchainés. Du coup, je ne vois pas arriver les nids de mammouths... « Comment ça, y a pas de mammouth en Alaska ? Puisque j'vous dis qu'j’ai vu les nids ! ». 
Ça ne dérange en rien une petite famille de grizzlis  en vadrouille et un gros pépère d’ours noir solitaire, qui nous regarde passer.
Et puis comme par enchantement après avoir dépasser Destruction Bay, le ciel s'éclaire, la route devient un véritable billard et les paysages époustouflants de beauté. Les dernières heures ont été très fatigantes, mais comme le seul motel de la ville loue ses chambres à plus de $100  la nuit, on décide d’aller plus loin.

Les montagnes ont poussé comme par enchantement, et même les sapins morts noyés dans le bleu des lacs, sont spectaculaires.

La journée a été dure... 640 Kms dont 500 complètement défoncés, pire que la Liard Highway selon mon homme.
On opte pour la solution hôtel, même s’ils sont chers par ici ! Mais pas de restaurant ce soir, ce sera un bon plat de chez nous qui tient au corps, saucisses / purée, pour réconforter deux motards fourbus. Nous posons nos gamelles sur le rebord de la fenêtre en admirant le paysage.
Le lendemain, nous roulons sur la Haines Highway, classée parmi les « National Scenic Byway », label qui récompense les plus belles routes des USA. Dommage le temps n'était pas de la partie.

Après Destruction Bay, nous arrivons à Haines. Les villes ont des noms bizarres ici !
Mais le village avec ses jolies maisons de bois peintes en blanc posées au bord d’un fjord est très sympa.

On pique-nique sur les berges ce qui ne manque pas d’attirer de gros corbeaux peu farouches qui viennent picorer jusque dans nos assiettes les restes du repas.

Nous attendons le ferry pour Juneau. Décider de prendre des ferries pour rejoindre Prince Rupert, nous évite de traverser toute la Colombie Britannique et certaines routes déjà empruntées. Et puis, deux jours de croisière à travers des fjords, ça va nous reposer les fessiers !

Le premier ferry  part de Haines et rallie Juneau en quatre heures.

Sur les bords du fjord Gatineau, Juneau est la capitale de l'Alaska et n'est joignable que par avion ou bateau...
La ville est très marquée par ses racines Haida et Tlingit (peuples natifs), suggérées par les fresques murales que l’on découvre en ville.
Totems, peintures naïves sur des poteries, masques peints, dents de morses sculptées, ciselées tout un artisanat savamment utilisé à des fins mercantiles.

Le réseau routier se résume, à quarante-cinq miles (environ 70 kms) au nord et 40, (60 kms) au sud, si bien qu'on pourrait se croire sur une île ! Le plus incroyable, c'est qu'on a vu  trois Honda  CBR et qu'il y a même un concessionnaire Harley !
A l'origine, c'était une ville de chercheurs d'or, qui en ont trouvé ! 
Aujourd'hui, c'est 26 000 habitants, dont 40% bossent pour l’Etat. Et ça doit rapporter gros, vu le prix de l'immobilier !
De ravissantes maisons en bois anciennes, la plupart peintes dans les tons pastel s'accrochent aux flancs des collines, noyées de fleurs d'ancolies, d'azalées et de rhododendrons dans une débauche de couleurs. Ce qui me rappelle le jardin breton de ma mère. Un gros chat siamois dort dans une balconnière, les rues sont calmes et malgré la pluie fine qui nous agace un peu on se sent bien ici.

Juneau est au cœur de la «Tongass Rain Forest », ça ressemble à la forêt enchantée des contes de notre enfance. Des arbres tortueux aux troncs noircis ou recouverts de mousse spongieuse et de lichens qui ressemblent à des cheveux de trolls. Les branches basses nous frôlent et le feuillage chuchote. « Dis, t’as pas l’impression qu’on nous regarde ? ».
Si vous demandez à un habitant de Juneau : «  Est ce qu'il pleut tout le temps ici ? " il répond « Non, parfois il neige ! ».
« Oui ben 300 000 litres de pluie par an ça ne laisse pas beaucoup temps pour la neige ! ».
Malgré le fait que nous soyons de grands sportifs…Nous ne ferons ni kayak, ni randonnée, ni ski, pas plus que d'escalade de glacier, échantillon de ce que la ville offre en activités de plein air.
En revanche, nous sommes prêts à admirer le ballet des baleines si elles se montrent, observer certaines les centaines d'espèces d'oiseaux qui pépient au dessus de nos têtes, dont les Bald Eagles, (aigle royal) emblème des USA, reconnaissable à son plumage marron glacé, sa tête blanche et son bec jaune ;

Contempler pantois, le Mendenhall, un glacier bleuté, le seul à proposer cette couleur à Juneau ! Envier un peu les kayaks qui approchent de très près les gros glaçons détachés du glacier qui partent à la dérive dans les eaux des fjords ;

Admirer les cascades qui dévalent les montagnes et les lourds nuages noirs si bas, qu’ils se déchirent sur les crêtes des sapins.

Les campings sont le reflet de la passion des américains et des canadiens pour les activités outdoor. Les espaces pour planter la tente sont immenses, il y a toujours une table en bois et un endroit pour faire du feu ou un barbecue. Sans oublier les containers avec systèmes d’ouverture très compliqués, anti ours et garde-manger isolés des lieux de vie.
Le week-end ils arrivent avec leurs gros pick-up chargés de bois, du barbecue king size et du matériel de camping, barnum anti pluie compris. Et c'est parti pour deux jours de festins grillés et vas y, les ribs, les épis de maïs, les T-bones et... les chamallows en brochettes !

Le camping de Juneau est au cœur de la Rain-Forest, et pour la « rain », on a été servi !
Dans les rues de Juneau, nous rencontrons Joe, un américain en vacances. En  quelques minutes, nous sympathisons. Lui aussi a voyagé en moto et lorsque nous évoquons le Mexique comme l’une de nos destinations, il nous propose de profiter de son « petit condo » d’Akumal à 40 kms de Cancun. « Je n’y mets pas souvent les pieds, et mes enfants ça ne les intéresse pas trop, alors arrêtez vous là-bas, ça vous fera une petite pause ! ». Merci, c’est très gentil Joe ! Il nous griffonne un mot pour le concierge sur une carte de visite… On se regarde avec Laurent sans trop y croire ! On est fin juin, on ne sera au Mexique qu’en septembre. « Adieu et bonnes vacances Joe ».
Je visite TOUS les magasins de la ville. Je donne la main à un grizzli empaillé, le seul qu'on ait osé approcher, qui a des ongles longs comme mes doigts !

Je reste songeuse devant un splendide maillot de bain deux pièces en fourrure blanche, pour touriste frileuse, peut être ?

Malgré la pluie, nous avons parcouru la ville, où les gigantesques bateaux de croisières avec leurs piscines, murs d'escalade et ascenseurs panoramiques font escale. Le port est en plein centre ville, et les paquebots pour gens fortunés imposent leur démesure. Ce sont de véritables immeubles flottants, j’ai compté jusqu’à huit niveaux.

Bien installés au sec dans la bibliothèque municipale, à côté d’une des grandes baies vitrées, avec Wifi et café à discrétion, nous avons une vue plongeante sur les cabines grand luxe et l’équipage en habit blanc qui vaque à ses occupations.
Dans un Starbucks Café, il y en a partout aux US, je m’amuse à regarder les touristes, fraichement débarqués. Ils ont tous le même look. Casquette vissée sur la tête, short, baskets, chaussettes montant sur leurs mollets blancs, et K-way. Il y en a même un qui s’est endormi la bouche ouverte sur la banquette en attendant sa moitié, surement en train de dévaliser les magasins de souvenirs.

« Frimez pas, nous aussi on va la faire notre croisière 3 étoiles ! ».
De retour au camping, un colossal sapin recouvert de mousse nous prend sous son ramage et nous protège de cette vilaine pluie tenace. Je cuisine plus ou moins à l’abri des frondaisons tandis que Laurent, d’une main, remue les pâtes dans la casserole et de l’autre, écrase sur son crane les moustiques hystériques. Impossible de transporter la table en béton sous l’arbre, ce soir nous dinerons debout.

Nous avons baptisé notre tente, Félicie ... car elle a des fuites…Aussi ! Je viens de découvrir l’utilité des deux petits cordons au sommet de la tente. Il faut les nouer sur les arceaux pour éviter que l’eau ne s’accumule dans le petit creux et finisse par filtrer à travers la toile.
Trop tard pour cette fois, et c'est un peu dépités, que nous nous glissons dans les duvets humides.
Au matin ça se calme un peu, ben ce n’est pas trop tôt !

Trousse suspendue à un tronc d’arbre, je tente une toilette de chat...sauvage, pour  reprendre figure humaine. Il a plu toute la nuit, j’ai les yeux bouffis et Laurent, des boufioles sur chaque millimètre de peau qui n’était pas sous le duvet.
Je prépare un bon café et un oatmeal. Karen et Doug nous avaient donné des sachets prêts à l’emploi. Il faut juste rajouter de l’eau ou du lait. C’est une sorte de gruau dans lequel je rajoute des morceaux de pomme ou de banane. C’est chaud, et comme on dit, « ça tient au ventre ». Tout ce qu’il nous faut pour nous remettre en forme. C’est à ce moment là que le Ranger du Park, vient encaisser le prix du camping. Dans certains cas, il n’y a personne, et une affichette précise que les campeurs doivent déposer le règlement dans la boite, fermée à clé tout de même, avant de partir…Ça laisse rêveur.
19 heures, il est l'heure d'embarquer à bord du ferry pour Prince Rupert. Nous allons passer deux nuits et deux jours à bord à travers les fjords alaskans.
Je laisse Laurent s'occuper de sangler la moto dans la soute, et file direct sur le pont supérieur à l'arrière du bateau afin de réserver deux transats car nous n’avons pas voulu prendre de cabine. Je les transforme en lits douillets avec les matelas gonflables et les duvets.
Berry, notre couchsurfer de Watson Lake au Yukon, nous avait bien briefés, car c’est ce qu’il avait fait lorsqu’il avait voyagé en Alaska. C’est vraiment une super idée !

_« Une minuscule cabine sans hublot et lits superposés ? À $125 ! Non monsieur, n'insistez pas, on n’en veut pas ! Nous on prend la grande chambre panoramique  de 100 m², en plein air ! ».
Le show, on le veut en 180° sur le fjord, avec en prime, douche, toilettes et toit chauffant » Il y même des casiers pour ranger ses p'tites affaires dans la journée. Bon ok, on la partage avec trois autres personnes, mais ils ne ronflent pas ! Et surtout c’est complètement gratuit !

Nous pique-niquons sur le deck, avec en toile de fond un panorama fantastique,  excités comme des puces à l'idée de dormir à la belle étoile emmitouflés dans nos duvets. La nuit tombe doucement, on s'endort au rythme feutré des gros moteurs.
Une brume épaisse et laiteuse nous enrobe. Je jette un regard vers le pont, on ne distingue que le bastingage, et dans un demi-sommeil, je m'imagine sur un bateau fantôme glissant silencieusement vers nulle part dans un autre espace temps.

En pleine nuit, une pluie fine et pénétrante nous oblige à battre en retraite un peu plus à l'abri du toit. Le ferry s’engage dans une passe étroite et on à l'impression qu’en tendant le bras on pourrait toucher les branches des sapins noirs.
Au matin, nous apercevons au loin, trop loin pour une photo, les courbes sombres de cétacés et leurs petits geysers d'eau.
Le temps s'écoule lentement au gré des paysages montagneux. Les eaux sombres qu'on imagine profondes, se fendent et se referment après notre passage.

Cette région de l'Alaska est surnommée « le Passage Intérieur ». Il s'agit d'un dédale de fjords (parfois large d’à peine 100 mètres) qui relie des villes dont les seuls accès sont maritimes ou aériens. 
Nous ferons donc escale à Sitka, puis Petersburg et son esprit norvégien, maisons peintes et filets multicolores qui sèchent sur les palissades car la pêche est l'activité principale sur cette côte qui abrite la plus grosse flotte d'Alaska.

Ce cabotage est une expérience intéressante, mais faudrait pas que ça dure plus de deux jours, ou alors avec un bouquin de 2000 pages...et le risque de se retrouver avec des escarres aux fesses !
Heureusement, pour tuer le temps, les rencontres sont idéales. Nous faisons la connaissance de deux couples de motards qui savent vivre ! Tüllin, d'origine turque et son mari David du Kentucky voyagent en BMW 1200 GS, avec Penny et David de Caroline du Nord en Suzuki VStrom. Entre motards, il est facile de rompre la glace !
Nous acceptons leur invitation à déguster quelques bonnes bouteilles de vin rouge sur notre pont dortoir dans la joie et une immense bonne humeur. Mais en catimini, comme des gamins qui font des bêtises car il est formellement interdit de consommer de l’alcool sur le bateau en dehors du restaurant. Pour pimenter la soirée, une panne informatique cloue le bateau à quai pendant quatre heures à Petersburg ! Ça va nous faire baisser la moyenne horaire ça ! Quand il repart, un silence de mort règne dans le grand salon panoramique. Tout le monde retient son souffle, le ferry avance sans bruit dans un passage particulièrement étroit, la quille frôlant les berges de part et d’autre.  Une fois rassurés sur la bonne marche de notre bateau, nous regagnons le pont supérieur, un peu chancelant et même carrément attaqués et ce n’est pas la faute du tangage ! A peine s’est-on glissé dans le duvet, que Morphée nous à déjà embarqués.

Le lendemain, il pleut. Nouvelle escale, à Ketchikan, nouvelle panne...
Parlez-moi des voyages en mer !

En attendant que le tas de ferraille accepte de repartir, nous assistons rêveurs au ballet incessant des hydravions qui décollent et amerrissent dans une logique connue d'eux seuls. 
Bon ben on a cinq heures de retard sur l'horaire !
Le capitaine a du doper les moteurs à la Red Bull, car le ferry trace la route à toute allure.

Et nous profitons ENFIN du soleil sur la terrasse de « notre chambre ».

L’arrivée à Prince Rupert signe la fin de notre connivence avec nos nouveaux amis américains. Il est temps de reprendre chacun son chemin. On a passé de supers moments tous ensemble, et le top, c'est qu'on va se revoir en Caroline du Nord en juillet et très certainement l'été prochain …en Touraine, car David et Penny ont en projet un séjour en France.
See you later les voyageurs.

En quittant le ferry, nous passons à nouveau la frontière du Canada et nous voilà en Colombie Britannique jusqu'à Vancouver.

Au revoir Alaska, on en rêvait, on a vraiment tripé !!! Et notre sourire sur les photos en dit long sur nos petits bonheurs quotidiens.

L’AVENTURE CANADIENNE S’ACHEVE A VANCOUVER

« On the road again ». Pas de temps à perdre, on a rendez vous demain avec Karen et Doug nos amis de Jasper. 
Doug, qui est conducteur de train sur la ligne Jasper-Prince Rupert est en rotation sur Prince George. On a réussi à caler nos dates pour pouvoir nous revoir.
En attendant on apprécie les paysages, petites églises en bois, totems dont Laurent se prend de passion, et a décidé de photographier tous ceux qui allaient croiser son chemin.

Ils sont très anciens, taillés dans un tronc entier de Cedar tree (cèdre américain) pour certains, ou sculptés sur un tronc évidé qui est ensuite maintenu debout par un poteau de bois…haut, très haut.

Les canadiens aiment mettre en scène leur passé, il est vrai que pour nous européens, les antiquités de 1920, c'est juste la vie de nos grands parents ! 

Pourtant, on prend vraiment du plaisir à déambuler dans les rues « anciennes », admirer les maisons réhabilitées et tous les outils de leur « autrefois».

L'activité bois est importante dans la région, et le Cedar tree, immense sapin, dont la tête dépasse tous les autres, est exploité intensivement, en témoignent les centaines de milliers de billots empilés à perte de vue.

« Prince George, Prince George, tout le monde descend ».
Karen a accompagné Doug et son train afin que nous passions la soirée tous ensemble.
Ils nous ont même proposé de partager leur suite dans l’hôtel attribué au conducteur de train ! 
Pour Laurent, ce fut l'occasion unique de bénéficier d'un RHR (seuls les initiés comprendront) dans la suite d’un 3 étoiles.
Nous les quittons le lendemain matin après un copieux breakfast. Karen a les yeux qui brillent en me serrant dans ses bras et Doug donne une virile accolade à son copain Laurent.
Le paysage  a peu à peu changé. De belles collines verdoyantes servent de pâturages à des hordes de chevaux et des troupeaux de bovins.

Un joli camping au Historic Hat Creek Ranch. Aucun moustique en vue, des voisins Ecossais en camping-car avec qui papoter et le soleil pour planter et déplanter la tente. Une diligence tout droit sortie d’un western, promène quelques touristes au milieu des tipis dans lesquels il est possible de passer la nuit.

« Non mais ils ont pété un câble ou quoi ! ». Je m’agace ! J’essaie de prendre des photos sans fils électriques, impossible, il y en a partout. Malgré ça, les paysages sont époustouflants, montagnes pelées, canyons profonds, ponts métalliques, lacs turquoises, routes viroleuses, la vallée qui mène à Lilloet est l’un des spots favoris des motards de Colombie Britannique. On comprend pourquoi !

Un ours noir imperturbable arrache consciencieusement quelques jeunes pousses sur le bord de la route, il sera notre dernier petit canadien !
Nous approchons de Vancouver, et malheureusement, vent, couvert... et pluie, la totale !

Dur retour à la vie urbaine. Laurent doit se ré-acclimater à la conduite en ville. Après avoir pris deux rues en sens interdit, remonté une quatre voies en sens inverse sur le trottoir, on déniche un camping à deux pas du  Lion's Gate Bridge.

Le soleil est revenu, et nous profitons du jacuzzi, traitement idéal pour mes douleurs lombaires de miss Tamalou !
Laurent appelle John, le motard  rencontré à Tok en Alaska. Pas de parole en l’air, il arrive le lendemain matin en voiture avec sa femme Lorna sous une pluie battante. On fourre toutes nos affaires en vrac dans le coffre et ils nous invitent à prendre un solide breakfast. Nous partons ensuite découvrir Vancouver, 1 million et demi d'habitants, un niveau de vie élevé et classée dans les premières villes où il fait bon vivre... On veut bien le croire ! 
Nous sommes tombés immédiatement sous le charme de cette mégapole époustouflante de vie et de charme. Les baies vitrées vert pâle des buildings reflètent chaque parcelle de lumière et ils semblent flotter dans le ciel. Une piste cyclable longe une luxueuse marina où les plus beaux yachts attendent leurs propriétaires fortunés. Lorna conduit doucement dans les grandes artères de la ville où il est bien difficile de se garer. Elle nous attend patiemment au volant  tandis que
John et Laurent posent fièrement pour une photo souvenir devant le monument de la flamme olympique, éteinte depuis l’année dernière.

La plus grande communauté asiatique vivant à l'étranger, habite Vancouver. 
Le quartier de Chinatown, populaire et animé,  abrite dans certains quartiers une population dont la vie est bien loin du rêve. Beaucoup de SDF et de junkies zonent dans les rues en titubant. Ils s’attroupent et dealent sans se cacher, ou attendent un bol de soupe servit par les services sociaux. D’après John, il peut être assez dangereux de trainer à pied par ici. « Tu m’étonnes ! ».

Tous les quatre, nous prenons place pour une escapade sur un mini-bateau. Cela nous permet de découvrir la ville sous un angle différent. Le ciel est menaçant, les goélands et les mouettes poussent des cris stridents, se chamaillant pour quelques miettes de pain, avant de se poser sur les pylônes en bois vermoulus du quai.

Nos pas nous mènent  à Granville Island Market, je m’extasie devant le mariage des couleurs des dizaines de petites barquettes de fraises, mûres et autres framboises…
Et d’un groupe de vieilles dames euphoriques, toutes vêtues de la même façon, d’un pantalon rouge assorti au cabas, d’un chapeau fleuri… et d’une veste violette. So chic !

Le Stanley Park, sous un ciel plombé du plus bel effet, accueille les joggers, cyclistes et promeneurs. Assis sur un banc face à cette baie magnifique, on regarde un géant des mers sortir lentement du port avec à son bord des milliers de passagers.
Ici aussi il y a plein de totems peints, mais ils n’ont pas l’air très ancien.
Le soir nous sommes invités à diner chez Arnold et Marilyn, il y a aussi Bodo. J’ai du mal à reconnaitre les deux comparses de John rencontrés à Tok il y a quelques semaines. Il est vrai qu’ils ont rangé leurs blousons de cuir et leurs shaps de bikers.

Nous passons une soirée super sympa à déguster un délicieux dîner concocté par Marylin, véritable cordon bleu. C'est l'occasion d'évoquer les voyages passés et à venir, et récupérer des infos sur le Mexique qu’ils ont déjà sillonné en moto.
John et Lorna, qui habitent à quelques kilomètres de Vancouver, nous reçoivent chez eux comme si nous étions de la famille et Lorna se plie en huit pour nous faire plaisir.

Un magnifique « sunny sunday » à Vancouver. L’occasion de découvrir le Stanley Park à vélo. Á 9h nous sommes prêts à partager pour quelques heures la vie ensoleillée des habitants. Trois heures de balade pour profiter des plus jolis quartiers. Les pistes cyclables sont larges et agréables, mais nous finissons notre découverte du centre ville à pied.

Le soir, nous sommes chaleureusement invités à fêter l'anniversaire de John au restaurant avec sa famille et ses amis. Mon anglais s'étant un peu amélioré, je participe plus facilement aux conversations. Heureusement, ça m'aurait ennuyé de faire tapisserie. Lorna et John sont mennonites et très impliqués dans la vie de leur Église. Leur Foi est le pilier de leur existence et il émane d’eux quelque chose de fort. Ils ont des visages rayonnants.
John est un bon vivant, motard et voyageur. Il a posé ses bottes sur tous les continents, mais à l'occasion, il sait aussi pour le bonheur des enfants, se transformer en Père Noël. Son physique est d’ailleurs un atout majeur, il a simplement besoin de porter quelque chose de rouge. Lorna, est une femme qui pense aux autres en s'oubliant elle-même. Elle nous a beaucoup touchés, en nous préparant un gros sac plein de douceurs le matin de notre départ. Elle nous a ensuite accompagnés en voiture pour nous mettre sur la bonne route afin de nous éviter de nous perdre dans le dédale de la banlieue de Vancouver.
Arrivés en étrangers, nous sommes repartis en amis après avoir partagé, soirée de copains, repas d’anniversaire et franches rigolades.
La famille, l’amitié, et l'hospitalité, sont les lois inaliénables de leur vie.
Lorna et John, nous sommes chanceux d'avoir croisé votre route.

Cette fois ci c'est pour de bon que nous quittons le Canada.
La frontière des USA est à 80 kms.
J'ai tout aimé dans cet immense pays, sauf les routes à gravels ! (Et je crois que ce n'est qu'un entrainement pour l'Amérique du Sud). 
Laurent, lui, a tout aimé aussi...même les gravels ! C'est important dans un couple de ne pas être d'accord sur tout !
On a parcouru environ 14 000 kms, Alaska compris, en 63 jours. Nous avons rencontré des canadiens avec un cœur aussi grand que leur pays. 
Fréquemment, pour ne pas dire plusieurs fois par jour, intrigués par la plaque minéralogique, certains nous interrogeaient sur notre pays d'origine, notre destination, la durée du voyage, les yeux écarquillés de surprise. Ils nous quittaient au bout de cinq minutes ou une demi-heure, sur un joyeux « have a good trip ! ».
On a tout aimé, les kilomètres de sapinettes de Chibougamau, camper dans la neige ou près des lacs gelés , les rencontres avec les ours et les orignals, monter et descendre les montagnes, longer les lacs, planter la tente sous la pluie et se réveiller avec un rayon de soleil...ou l'inverse.
INOUBLIABLE CANADA. On a déjà très envie de revenir.

Et maintenant en route pour les USA.
Welcome to the UNITED STATES of AMERICA voilà ce que nous souhaite un panneau à la frontière.