Chiapas …pis des fois chiapasse  pas


Nous remontons dans les montagnes du Chiapas jusqu’à San Cristobal de las Casas.
Nous sommes maintenant habitués et amoureux des couleurs qui éclatent sur les façades des maisons. Mariages souvent audacieux, qui conviennent parfaitement à l’architecture hispanisante des églises, ocre et brique ou bleue ciel et blanche... « non,non, je ne tourne pas bigote » !
C’est à croire que toutes les villes mexicaines sont construites au pied d’une colline. Ici aussi,  il y a des centaines de marches à grimper pour atteindre le Cerro de la Cruz et embrasser d’un regard la cité à nos pieds.

Les jours de marché, les terrasses de bar bruissent des bavardages des hommes. Un cireur de chaussure ronfle,  le menton dans la main, endormi sur sa chaise haute...Chut !!!
Les étals à même le sol proposent des hamacs multicolores, façon filet  « tissés main » pour une bouchée de pain et plein de merveilles artisanales qu'à mon grand désespoir je ne pourrai pas rapporter dans mes petits bagages. Il y a même  des petites poupées de chiffon à l'effigie des hommes du commandant Marcos. Sombres souvenirs d'une époque troublée dans les années 90, ou le Chiapas se soulevait contre l'autorité fédérale, pour faire valoir les droits des indigènes. Inutile de préciser que la révolte a été durement réprimée.

Nous sommes surtout tombés sous le charme des femmes du Chiapas, de leur regard fier, leur vie qu’on imagine difficile et leurs costumes traditionnels.

On retrouve Sandrine et Antoine arrivés du jour pour dîner dans un petit restaurant de rue. Les tacos sont à cinq pesos (30 cts). On flâne en ville devant  les façades illuminées, car nous sommes toujours en périodes de fête nationale.
Nous leurs faisons nos adieux car ils retournent à Mexico prendre un avion pour le Pérou. Maintenant, si on se revoit, ce sera en France. Bonne route à vous les amis.

Nous nous dirigeons vers Palenque, autre site archéologique réputé de la civilisation Maya. Environ 230 kms, étape facile, donc départ 10h du matin, cool.
Ca commençait bien !
La route traverse des petits villages typiques, les femmes vaquent à leurs occupations de tissage, leur petit enfant endormi sur leur dos.

Il fait beau... 
Dès l'entrée dans le bourg d'Ocosingo, on a senti qu'il se passait un truc. Une file ininterrompue de voitures sur trois kilomètres qu'on remonte, qu'on remonte, jusqu'à ce que nous aussi on s'arrête. 
La route est barrée par des manifestants. En place depuis le matin, ils brandissent des banderoles et hurlent des slogans dans un mégaphone. Ils sont super motivés et déterminés à ne laisser passer personne, pas même des gringos en voyage. N’écoutant que mon courage, je me lance dans la mêlée en me frayant un chemin jusqu’au leader debout sur une caisse en bois, avec mes trois mots d'espagnol, je tente une négociation...sans succès !

Stoppés eux aussi dans leur élan, Joël, un motard néo-zélandais sur son 650 DR et Luis, mexicain en BMW 650, s'en revenant de Colombie, attendent là depuis plus d’une heure.
Il est midi passé. La route est fermée depuis le matin, et la dernière fois que ça s’est produit, ça a duré trois jours.
On étudie la carte sous les regards amusés des conducteurs descendus de leurs véhicules. C’est même carrément l’attroupement. Trois grosses motos d’un coup, « z’ont jamais vu ça ! »
Les femmes du village, saisissent cette opportunité  et proposent aux automobilistes bloqués, des plats cuisinés maison, qu’elles promènent dans une grande panière posée sur leur tête.

Un camionneur et ses ouvriers nous proposent de les suivre à travers la montagne, par des chemins, afin de contourner le problème et récupérer plus loin la route de Palenque. 
Un gars nous fait un petit plan sur une feuille puisque personne n'a de GPS et nous assure qu’en moto ça passe… « Si, si, bueno con la motocycletta, no problemo »
« OK señor, on y va ! »

Nous prenons finalement la route, Joël, luis et nous, précédés du camion rouge.
J’ai juste le temps d’apercevoir un panneau vert nous souhaitant un « feliz viaje » que nous bifurquons sur la gauche pour prendre un chemin escarpé, je réalise vite que ça ne sera pas pour moi, une partie de plaisir.
On traverse des pueblos où des petits enfants curieux nous suivent du regard, ébahis et subjugués. Au loin, des pyramides éboulées sont dévorées par la jungle.

Très vite ça se gâte en attaquant la montagne. On laisse un peu de marge, pour ne pas être dans les gaz d'échappement du camion, et avoir assez de vitesse, pour grimper. La piste s’élève dans un paysage de jungle, palmiers, bananiers, lianes, que j'ai un peu de mal à photographier, tellement je suis secouée.

Et ça monte et ça descend toujours dans les cailloux et les ornières.
La montagne d'un côté et le ravin de l'autre...mais tellement spectaculaire. Laurent assure comme une bête, et la GS accepte les mauvais traitements de la route.

Nous sommes obligés de stopper, pour laisser refroidir le système de freinage du vieux camion et les disques de la moto de Joël  qui s’échauffent, car la descente se fait en 1ère le pied sur le frein tant la piste est pentue et caillouteuse. Rouges et dégoulinants de sueur sous nos blousons de moto, on est heureux de faire une pause. Des chiens viennent nous renifler. On se désaltère avec l’eau un peu tiède de notre bouteille.

Une petite famille d'indiens Tzeltals nous regarde à travers les feuillages. Une mère porte un nouveau né dans les bras. Des petits garçons et des petites filles pieds nus sortant d’une masure en bois et briques de terre séchée, s’approchent de nous timidement. Très vite mes mimiques et mon sourire opèrent, et les fillettes acceptent que Laurent nous prenne en photo. Ensuite je montre l’écran à toute la famille étonnée. C’est là qu’on regrette de ne pas avoir un polaroid.

Je distribue mes échantillons de parfum aux petites filles, et j'entends des cris de joie en repartant.

A plusieurs reprises nous devons nous arrêter et demander notre chemin. Luis est d’un grand secours pour comprendre les explications. Nous sommes dans un véritable dédale de pistes perdus dans la jungle sans aucune indication.
« Dans combien de temps on rejoindra la route de Palenque » ? 
Invariablement la réponse est « une demi-heure ». 
On n’en voit pas le bout. 
Parfois le chemin s'améliore, et nous croisons quelques paysans. 
Des baigneurs surpris nous regardent traverser le gué dans de grandes éclaboussures. Un cavalier stoïque nous croise, en revanche un muletier terrorisé par tous ces « chevaux «  sur sa route se jette avec sa bête dans les hautes herbes.

Et nous suivons toujours notre camion rouge.

Brusquement la route devient quasi impraticable.
Passage de gué, pistes en dévers, rivières boueuses !
«  Ah ben nooon ! Je sens qu'on va encore se torchonner ». Nous sommes trop chargés. Notre vitesse est insuffisante. La roue avant glisse dans une ornière plus profonde que les autres, et la moto se couche à faible allure. Voilà la GS les pattes en l’air. Pas de bobo. On se dégage de dessous la moto et Joël se précipite pour nous aider à la relever après avoir retiré tous les bagages. Rien de cassé, le rétro droit a été sauvé par son double écrou, le protège main est sorti de ses crans, la sacoche droite en alu qui supportait tout le poids est légèrement cabossée. Je me rendrais compte plus tard, à mes dépends qu’elle n’est plus étanche.
Y a juste l’amour propre de Lolo qu'en a pris un coup !

C'est un bon entrainement pour l'Amérique du Sud. 
Ce chemin n'en fini plus, et brusquement, au détour d’un énième virage, on rejoint enfin la route principale. Voilà une aventure dont on se souviendra ! 
Trois heures et demie pour faire cinquante kilomètres. Nous sommes crottés, dégoulinants de sueur mais on a bien rigolé.
Les paysages du Chiapas sont fabuleux on en a prit plein les yeux.

La règle qui veut qu'après chaque moment difficile, une merveille nous attende, se confirme !

Nous arrivons en fin de journée exténués au Mayabell Hôtel, véritable paradis sur terre.
Il est composé de petits bungalows aux toits de palmes, et d'une piscine king-size au beau milieu de la jungle troublée par les cris puissants des singes hurleurs. Ça  glace un peu le sang au début, mais tellement dépaysant !
Nous dînons au restaurant de l’hôtel, dans une ambiance musicale feutrée. En fin de repas, Luis nous propose une petite dégustation comparative de tequila et de mezcal…Comme nous avons du mal à saisir les différences, on est obligé de s’y reprendre à plusieurs fois. Bien déstressée, je pique une cigarette à Luis, alors que j’ai arrêté de fumer il y a huit ans, et l’allume sans vergogne sous le nez de Laurent. « Non mais t’es folle » ?  Je lui déclare, hilare que « maintenant j’en fumerai une à chaque galère, na » !
Nous faisons nos adieux à nos compagnons de route, mais il est probable que nous croisions à nouveau Joël. On s’échange nos adresses mail afin de se donner rendez-vous plus tard.

Il fait chaud et moite, dans notre adorable chambre un gros ventilateur brasse l'air tiède. En pleine nuit, un truc tombe sur le dos de Laurent, rebondi et atterri à côté du lit...Sans mes lunettes, j'ai vu un truc foncé, j’ai cru que c’était un morceau de bois. Au matin, c’est une chauve-souris morte que j’ai trouvé par terre, attaquée par les fourmis. Elle devait être coincée sur l’une des pales du ventilo !

Luis et Joël sont partis à la fraîche.

Maya qu’des temples ici

L'art Maya dans toute sa splendeur s'exprime à Palenque. Les temples restaurés, sont comme posés dans une clairière au milieu de la jungle. On passe de l’un à l’autre par des allées bien entretenues. On escalade certains afin d’avoir une vue d’ensemble sur le site. Quelques vendeurs autorisés, installés à l’ombre des avocatiers, proposent des souvenirs artisanaux. Par pure gourmandise, nous dégustons un avocat, gros comme une noix de coco,  tombé à mes pieds.
Plus loin, les vestiges sont toujours possédés par la végétation luxuriante. Petit à petit, les temples sont restaurés et arrachés à l’emprise de la jungle. Je photographie une salle humide et sombre dans une partie effondrée d’un temple envahis par les lianes. Le flash se déclenche. En vérifiant le cliché, je constate qu’une chauve-souris en plein vol à été surprise par la lumière brutale. Elle à la gueule grande ouverte et on aperçoit des  crocs d’une blancheur incroyable… Si ça se trouve c’était un vampire ! Je cesse instantanément de visiter les coins sombres.

Je pousse Laurent du coude.
_ « Regarde ! Indiana Jones  et sa playmate ».  
Ils sont accompagnés d’un guide et marchent au milieu des ruines. On a tout de suite reconnu ce couple caricatural que nous avions vu au Canyon du Sumidero. Impossible de les rater, monsieur et ses muscles, madame et son micro short jaune, santiags et chapeau de paille pour escalader les marches glissantes des temples.

« Oh je sais, c'est pas bien de se moquer, mais leur accoutrement n'a pas fait rire que moi ! ».
Il faut visiter le musée pour admirer une reconstitution du site et comprendre que ça devait être extraordinairement beau. Les pyramides étaient pour la plupart, recouvertes de stucs peints, et certaines pierres étaient elles aussi sculptées et peintes.  Les plus belles pièces sont conservées à l’abri, même s’il reste quelques vestiges en place sur les façades. La collection d’objets préservés compte également des masques et des idiomes mayas tout en rondeurs ciselés dans la pierre. 

De retour à l'hôtel on profite longuement de la piscine aux dimensions hors normes.
« Dis mon amour, et si on restait quelques jours ici » ?
On passe le reste de la journée à nettoyer la moto, les valises, vérifier les niveaux et la pression des pneus. Nous reprenons la route demain matin. Soudain nous voyons arriver un autre motard, américain cette fois, Glen. Il est prof d’histoire et parle très bien français. Nous passons la soirée ensemble. Et partons à la découverte de la ville. Laurent en garde un souvenir impérissable. Il a englouti au moins douze tacos, les meilleurs qu’il ait mangés depuis l’entrée au Mexique, selon lui. Glen pour faire des économies a accroché son hamac avec moustiquaire sous un palapa (case ouverte au toit de palme). Il s’est fait dévoré par des fourmis rouges et sa jambe est toute boursouflée. Ma trousse à pharmacie va enfin pouvoir servir à quelque chose. Je lui fais avaler un antihistaminique et le badigeonne de crème anti inflammatoire. Bye bye Glen, see you later.

Les gros orages des derniers jours nous dissuadent d'aller à Agua Azul, cascades de piscines naturelles. Azul ça veut dire bleu et avec toute cette boue, ça risque d'être plutôt « Agua caca ». Donc on ne fera pas le détour.
Nous faisons étape à Campeche dans la péninsule du Yucatan, car nous nous dirigeons vers Cancun. 
Un orage nous stoppe net, enfin J'AI fait stopper net l'attelage, à l’abri d’une station service. Il y a cinq centimètres d’eau sur la route. Laurent bouillonne mais je refuse de monter sur la moto. Les camions nous balancent des gerbes d’eaux boueuses, il manque parfois des pans entiers de macadam découpés pour effectuer des travaux sur les canalisations, mais le trou n’a jamais été rebouché et rien ne le signale.

On ne voit rien, je trouve que c’est trop dangereux. Il attend impatiemment que la pluie cesse. 

Visages fermés, nous évitons toute conversation pendant qu’on s’installe dans un hostel face à la cathédrale. Le temps de monter mes sacs, je redescends et trouve mon homme fier comme un paon, entourées de quatre midinettes très entreprenantes. Et vas y que je visite la selle passager... Une par une, elles sont toutes grimpées sur.... la moto pour se faire photographier, avec Laurent qui n’a pas assez de sa bouche pour montrer touts ses dents !
La soupe à la grimace continue, chacun campé sur ses positions. Et pour la première fois nous partons dîner chacun de notre côté !
Les tensions un peu apaisées après une explication, nous consacrons notre journée du lendemain à la visite de la ville et de ces façades colorées fraîchement repeintes. Il y a de très belles fresques murales au symbole de paix, sur les pignons aveugles des immeubles. En parallèle, des tags dénoncent les violentes répressions militaires.
Quand on se balade en ville, gare à la chute, mieux vaut toujours avoir un œil qui traine sur le trottoir. Il est fréquent que les plaques d’égout soient cassées, quand elles n’ont pas complètement disparu ! C’est également  le cas sur la route, ce qui est une excellente raison pour ne pas rouler en moto de nuit.

La musique et la danse ont une place importante dans la vie des mexicains, la fête n'est jamais très loin. Les fenêtres de l’hostel sont grandes ouvertes sur la place où danses et chants vont occuper une partie de la nuit. Campeche vit un évènement capital. Les reliques du pape Jean Paul II voyagent dans tout le Mexique et ce soir, elles sont exposées dans la cathédrale. Soutenus par leur grande ferveur catholique ils vont patienter debout des heures et même une partie de la nuit pour les approcher et s’y recueillir quelques secondes.
Nous quittons la province de Campeche pour celle du Yucatan. L'occasion de voir ces ravissantes petites huttes, construites en branches et torchis avec un toit de palme ou recouverte d’une sorte de toile goudronnée.

La plupart sont habitées. C'est un peu spartiate sans électricité et eau courante. Le sol est en terre battue ou pour les plus fortunés, en ciment. Toute la famille vit là dans une seule pièce. Les hamacs sont accrochés pour la nuit, une table et quelques chaises en bois  complètent le mobilier.
J'ai craqué sur les huttes !
J'ai craqué aussi sur les vaches...Je les photographies, car elles ne ressemblent pas du tout aux nôtres. On dirait des vaches sacrées indoues, avec une bosse sur le dos, des grandes oreilles pendantes et un regard triste en amande avec de longs cils.
_« Bébé, arrête toi, il y a une tortue sur la route ». Une jolie petite tortue terrestre en vadrouille. Je l’aide à traverser et m’assure qu’elle ne fait pas demi-tour.
Il a des tas d’« O.R.N.I. » sur la route. Des « objets roulants non identifiés »

Il faut préciser, que contrairement à chez nous où la consommation à outrance est la règle, ici au Mexique, c'est tout le contraire ! Tout véhicule à moteur est, réparé, recyclé, transformé, bidouillé, pour tenir le plus longtemps possible. Lorsque l'on jette, c'est que vraiment, mais alors vraiment, ça ne peut plus servir à personne !
 
Le ciel bien lavé après un gros orage, une jolie lumière illumine Chichen Itza.
On se trouve un hôtel avec piscine à quelques kilomètres des ruines.

Perle de la civilisation Maya, Chichen Itza était probablement le plus important site religieux du Yucatan.
Il se divise en deux secteurs, 
Le Secteur Nord, est le plus intéressant. La principale pyramide surnommée « El Castillo », est célèbre pour l'ondulation du « Serpent à Plume », Kukulkan. Depuis 2007, il n'est plus possible de monter au sommet, pour la préserver et surtout éviter les chutes mortelles. L'ondulation ne se produit qu’aux équinoxes de printemps et d'automne. L'orientation de la pyramide est très précise car les Mayas étaient des experts en astro-architecture. C'est donc l’ombre projetée d'un angle de la pyramide sur la montée des marches qui provoque le phénomène d'ondulation. Ce n’est pas très facile à expliquer !

Il y aussi, l'observatoire, ou « Caracol » d’où les mayas observaient la courses des étoiles ; Le Cénote sacré, un puits naturel de 20 m de profondeur sur 60 m de circonférence, au fond duquel ont été retrouvé de nombreux objets en jade, et des ossements... les Mayas étant réputés pour leurs rites avec sacrifices humains.
Le Temple des Guerriers est très bien conservé, avec ses colonnes de pierres qui devaient supporter un toit aujourd’hui disparu. Le groupe des milles colonnes, toutes sculptées. Le temple du Jaguar et celui du Jeu de Balle tristement célèbre, mieux valait être un mauvais joueur, sous peine d'y perdre sa tête. Le capitaine de l'équipe perdante tranchait la tête de celui de l'équipe gagnante...C'était, parait- il un grand honneur !

Le Tzompantli, est une plateforme où les squelettes de centaines d’ennemis étaient exhibés et dont les bas reliefs représentent des têtes de mort. Décidément, les mayas étaient des gens charmants !
Certains éléments des édifices sont très bien conservés. Il faut imaginer que tout était peint de couleurs vives. Partout sur le site, un peu trop présents peut être, des vendeurs de souvenirs. Mais c’est un artisanat local, pas encore pollué par les chinoiseries.

En réalité, pour moi, les vraies stars du site, c’était les iguanes. Énormes, immobiles, surgissant au milieu des pierres, ils nous scrutaient de leurs petits yeux noirs et froids, témoins, j’en suis sûre de cette lointaine époque.

La beauté de Chichen Itza repose aujourd'hui sur l'accord parfait du monde minéral, végétal et animal.
Selon certaines interprétations du calendrier Maya, la fin du monde serai prévue pour le 21 décembre 2012. Des hôtels affichent déjà complet. On se demande d’ailleurs bien pourquoi prendre une chambre d'hôtel ...avant de mourir !

Akumal au ventre akumal aux fesses

Direction Cancun, on sait bien qu'il n'y a là bas que de grands hôtels, mais on veut voir par nous-mêmes ! 
De plus, Laurent, à repéré un clou dans son pneu arrière tout neuf. Et vu qu’on roule avec depuis un bon moment, Lolo préfère le retirer et mettre une mèche, à l’aide du kit de secours, bien installé devant un garage moto...Au cas où !
Effectivement, en retirant le clou avec une pince, on entend un gros pschitt...

Sur la notice du kit anti-crevaison, il est précisé qu’il faut tout d’abord agrandir le trou avec le tourillon fourni.

« Moi, ce que j'en dis, c'est qu'on va bousiller le pneu.  Mais bon, j’dis çà, j’dis rien». 
Après il faut enduire la mèche avec une pâte ciment bleu.

Coincer la mèche dans l'encoche du tourillon, et tenter de faire entrer ce gros machin, dans un tout petit trou...
Eh ben on n’a pas réussi.
Pourtant c'est un kit BMW, on a lu trois fois la notice, ça s'est fini que le type du garage nous a démonté la roue et lui a collé une vraie mèche et basta ! Il devait bien rigoler dans son tee-shirt plein de graisse. Il s’est fait plaisir en nous faire payer le prix fort.

On zappe Cancun et son enfilade de complexes hôteliers car depuis le matin je me sens bizarre. J’ai super mal au ventre mais les filles ont souvent mal au ventre ! Ça n'a fait qu'empirer au cours de la journée.
Est ce que c'est la noix de coco, épluchée à l'hôtel la veille ? Le poulet frit du restaurant de rue que j'ai dévoré hier soir avec appétit ? Ou le Mac Do de Cancun de midi ? Je n’en sais rien. Mais en arrivant à Playa Del Carmen, Laurent gare la moto pour prospecter les hôtels. J’ai tellement la tête qui tourne que je glisse de la moto plutôt que j’en descends. Un français qui passe par là, m’évite de m’affaler sur le trottoir. Ma vision devient floue, j’ai du mal à parler. Ma mâchoire se tord, je bafouille. Mes mains sont crispées, mais mon esprit est clair et je me demande ce qui m’arrive. Une voiture de police qui patrouille, s’arrête et appelle une ambulance. Laurent revient et me trouve allongée sur le trottoir au milieu d’un attroupement de curieux. Quelques minutes plus tard, toutes sirènes hurlantes, arrive une ambulance. Des hommes en blanc m’embarquent sur un brancard, et un infirmier tente de me placer une perfusion dans la main. Je me débats. Par la vitre, j’aperçois Laurent à la poursuite de l’ambulance qui file aux Urgences. Je pleure comme une petite fille complètement paniquée. Après quelques examens, le passage d’un gastroentérologue qui parle un peu anglais, et l’accord de prise en charge de mon assurance, je signe une décharge pour sortir dans la nuit. Intoxication alimentaire, gastro-entérite, déshydratation, ça met un peu à plat.

Autant dire qu'on a passé une bonne soirée ! Casque bas, mon amoureux d'avoir tenu bon au milieu de cette tempête de tuyauterie.
Mais comme toujours, après une galère, il y a toujours un petit paradis qui pointe son cocotier. Mais cette fois je n’ai pas fumé de cigarette !
Laurent se rappelle qu’il a la carte de visite de Joe. Le monsieur que nous avions rencontré à Juneau en Alaska au mois de juin. Il nous avait proposé son « petit condo » à Akumal au Mexique.
Playa del Carmen n’est qu’à trente kilomètres de là.
Au matin de cette nuit mouvementée, Laurent me laisse me reposer à l'hôtel, et part vérifier que le sésame de Joe fonctionne.
Le bruit de la porte de la chambre me tire du sommeil, Laurent me dit : « Allez viens, habille-toi, j't’emmène au paradis ». 
« Las Casitas » à Akumal.
Ça doit commencer à saturer à Cancun, question hôtel, car l'exploitation du littoral s'étend petit à petit tout le long de la côte.
Encore un peu flageolante sur les jambes, je me laisse conduire.
« Pince moi je rêve ! » 
Joe est en réalité, le propriétaire de tout un complexe hôtelier de luxe. « Le petit condo » est un bungalow duplex. Au rez-de-chaussée, une vaste cuisine américaine, ouvre sur un salon joliment décoré. Une baie vitrée donne sur une terrasse couverte et un jardin fleuri d’hibiscus. Quelques marches descendent sur une plage privée plantée de parasols blancs comme le sable. Quelques petits bateaux à moteurs sont à l’ancre balancés doucement par la houle.

À l'étage deux salles de bains et deux chambres décorées de poissons multicolores accrochés au mur. Nous nous installons dans celle dont la terrasse donne sur la mer. La vue est imprenable, et on reste sans voix.

Nous profitons seuls de ce paradis, la résidence est déserte à cette période de l’année.
Laurent m’explique que Joe avait bien prévenu de notre arrivée. Le réceptionniste se souvenait d’un mail de son patron reçu en juin, lui annonçant la venue probable en octobre d’un couple de motards français.

Je feuillette la  brochure proposant plusieurs services disponibles dans la résidence, et tombe sur le  prix journalier de notre « petit condo » $450  la nuit ! Nous ne pourrons jamais remercier Joe pour ce cadeau.
Franchement  ça tombe à pic, vu le rangement qu'il y a à faire dans mon abdomen !
Nous savourons chaque instant de cette luxueuse parenthèse.
La frénésie des temples nous reprend.
Nous visitons Tulum, cité Maya fondée, semble t il, vers 564, et encore très active au XIVème siècle.

C'était une forteresse comme en témoignent les hauts murs de pierres qui l'entourent.

Idéalement située sur les routes commerciales maritimes de la région, elle prospéra jusqu'à la conquête espagnole et fut abandonnée au XVIème siècle.
Voilà pour l'histoire. 
J'ai tellement rêvé devant les photos sur internet, que j'ai du mal à réaliser que nous y sommes pour de vrai.

Le site, perché sur une falaise surplombe des eaux turquoise. Idéalement situé sur la « Riviera Maya » il est très  bien entretenu, tourisme oblige. 
Cela ne dissuade pas les tortues luths, espèces en voie de disparition, de venir y pondre leurs œufs, d'ailleurs plusieurs plages sont fermées pour cause de nursering ! Nous n'avons pas boudé notre plaisir malgré la « surpopulation » touristique en profitant de la plage. Ici aussi, les iguanes tiennent compagnie aux vieilles pierres et sont beaucoup moins farouches qu'à Chichen Itza. Ils viennent même se balader sur la plage à l’affût de tout, et prennent la pose avec bonhommie,

J'adoooore les iguanes !
L'endroit ne serait pas si exotique, on pourrait presque se croire à la maison ! Soirée cocooning. Je prépare une ratatouille, une salade de fruits frais, une bouteille de vin rouge et comme on a Internet, nous regardons le JT de Laurence Ferrari en différé.

Les bonnes choses ont toujours une fin, et après cinq jours de farniente on selle la bête, et on reprend la route direction Punta Allen.
« Sais pas pourquoi, j'le sentais pas Punta Allen »!
Il a fallu tout d'abord s'acquitter d'un péage de 50 pesos, vu que ce village de pêcheurs est situé dans une « biosphère ». Un nom bien pompeux qui ne signifie pas grand-chose quand on voit tous ces détritus qui jonchent les plages désertes.

Mais il est surtout au bout d’une piste noyée par les récents orages. C’est bizarre, on avait l'impression de rouler dans du lait !!!  Mais quand le lait tourne à l'aigre, c’est le pilote qui perd l’avant dans la boue, tente de rétablir pour au final se retrouver par terre.

Cette fois je suis très mal tombée et je souffre terriblement du coccyx ! Je me demande bien dans quel état je vais rentrer ? 
Allez zou, demi-tour, Punta Allen on regardera les photos sur Internet.
Le paysage nous fait vite oublier les dures lois de la « pesanteur ».

On pose nos valises...sales pour deux nuits dans l'hostal d'Alain, canadien marié à une mexicaine, installé à Bacalar depuis quelques années. Il l’a appelé la « Posada de la Nueva Esperanza ». Nous paressons sous le préau dans de vastes hamacs en toile en lisant les journaux. La police a découvert vingt cinq cadavres alignés le long d’une route menant à Veracruz. Encore un coup des narcos.

Bacalar est sur les bords d’une fabuleuse lagune aux sept couleurs. En fonction des heures de la journée, les teintes varient. Les berges sont assez vaseuses mais une plage y a été aménagée, l’accès en est payant. Les familles mexicaines sont nombreuses à venir y passer le dimanche pour pique-niquer et se baigner. On se trouve bien palots en maillots à côté d’eux, mais il fait si chaud… 

Alain le propriétaire nous accompagne en voiture près d'un magnifique cénote. Ce trou d'eau alimenté par une rivière souterraine, était un site sacré dans la culture maya. Aujourd’hui il y a un restaurant bar dont la terrasse surplombe ses eaux  turquoise. On sirote un verre en regardant les jeunes gens plonger, tête la première, dans les profondeurs insondables.

Notre aventure mexicaine touche à sa fin, et ce ne sont pas les mauvais titres des journaux qui doivent dissuader quiconque d'y voyager. 

Nous ne savons pas ce qui nous attend en Amérique centrale et Latine, une chose est sûre on a ADORÉ le Mexique, les mexicains, et la cuisine. On s'était même habitué aux milliers de « topès ».

Demain, la dernière étape avant le Belize, c’est Chetumal qui se prononce « Chétoumal » !
Mais pas du tout ! 
Pour moi « chétoubien, réfléchi. Ch’achète un chihuahua, un petit hôtel pour voyageurs. Ch’apprends à ma mère à grimper dans un hamac, ben oui, che ne la laisserai pas toute cheule en Franche et ch'vais revenir m'inchtaller ichi ».

Nous avons une pensée émue pour Federico, Francisco, Hugo, Robert, Joe, et ceux et celles qui ont croisé notre route pendant ces cinq semaines formidables.
VIVA MEXICO.

BELIZE

Avant la préparation du voyage, je n'avais jamais entendu parler du Belize, et je suis sûre de n'être pas la seule !
Le Belize est un tout petit pays tropical, d'Amérique Centrale de 314 000 habitants. Situé au sud du Mexique et à l'est du Guatemala, sa population est multiraciale, 50% d'ascendance maya et européenne, 25% africaine et créole et 6% d'afro amérindiens, les Garifuna.
La plupart des commerces alimentaires sont tenus par des asiatiques ou des indiens (d'Inde). L'anglais, est la langue officielle comme dans tous les pays du Commonwealth, mais beaucoup parlent aussi l'espagnol et le créole. 
On aurait pu zapper. Mais attirés par le charme paradisiaque de l’île de Caye Caulker, on a décidé d'y séjourner quelques jours.
Le passage de la frontière Mexique/Belize se passe sans problème.
Paysage de jungle, palmiers, cocotiers,  maisons en bois peintes couleur pastel souvent construites sur pilotis, ambiance Caraïbes.

On se trouve un hostal à Belize City. Un genre de maison coloniale, protégée comme un coffre-fort ! Hautes grilles hérissées de pointes acérées, surmontées de fils de fer barbelés pour rajouter un peu de piquant à la sécurité, et porte cadenassée en permanence.

Ça ne nous empêchera pas de nous faire dévaliser !
Les rues de Belize City, sont sales, les maisons délabrées ou squattées. C'est la cour des miracles.

On est sans cesse apostrophé, suivi par des regards inamicaux. De véritable épaves humaines nous réclament de l'argent avec insistance, et pour la première fois, nous nous sentons comme deux blancs qui se baladent avec un gros « $ » tatoué sur le front. On ne se sent pas très à l’aise, et lorsqu’il s’agit de retirer de l’argent au distributeur, j’en mène pas large.
La population est plutôt afro-caraïbes. Un nombre impressionnant de types hagards errent dans les rues sous l'emprise de l’alcool, de drogues, ou des deux. Parfois ils nous en proposent dans un souffle en nous frôlant. J’en  ai le poil qui se hérisse ! Je déteste être là, et je sens que Laurent est sur ses gardes. La nuit tombe vite, nous cherchons un endroit pour diner, rien ne nous tente. Les rues sont désertes, sales inhospitalières. Quel contraste avec le Mexique. On se rabat sur une épicerie pour s’acheter un paquet de chips et des yaourts avant de regagner notre minuscule chambrette qu’un gros ventilateur bruyant à bien du mal à rafraîchir.
Le lendemain matin, il fait un temps magnifique et nous allons passer la journée sur l'île de Caye Caulker, à 45 minutes de Belize City. Image d’Épinal du paradis terrestre. Plages de sable blanc plantées de cocotiers, où des fauteuils en teck invitent à la rêverie. Un hamac nous tend sa toile, tout au bout d’un ponton de bois jeté sur un lagon transparent. Et à perte de vue la mer des Caraïbes.

Il n’y a aucun véhicule à moteur, seulement des vélos, et des voiturettes électriques qui servent de taxi.

On se promène dans les rues sablonneuses bordées de bars et de petits hôtels.

Elles sont désertes en cette période creuse de l’année mais jonchées de capsules de bière et de verre brisé, vestiges de mémorables soirées de fiestas.

On se baigne avec des étoiles de mer géantes et des petits poissons multicolores peu farouches.

Un pélican immobile s'entraîne pour les poteaux de Koh Lantah...

Des oiseaux perchés sur les restes d’un vieux ponton écroulé, attendent un hypothétique retour de pêche.

Il faut quitter ce petit paradis.
On croyait la moto bien à l’abri dans la cour de l’hôtel. Mais le matin de notre départ, nous découvrons que ma valise et le top case ont été dévalisés car ils n’étaient pas verrouillés. On a payé cher notre négligence. Bilan du vol, mon super sac de couchage, un K-way, les jumelles, mon sac à main avec permis de conduire et carte bleue et la trousse à outils. Le réceptionniste fait mine de ne rien comprendre alors que Laurent parle trèèès bien anglais, la moto est garée devant sa fenêtre  et il n’a rien entendu…Bizarre. Trois filles à qui on ne demandait rien, s’empressent de nous dire qu’il n’y a rien à nous dans leurs gros sacs à dos et quittent l’hôtel précipitamment ?! Du coup, en y réfléchissant ça les rend suspectes. Je me lance à leur poursuite et les retrouve sur l’embarcadère qui les emmène à Caye Caulker. Je leur fait un tel sketch, qu’elles finissent par ouvrir leurs sacs, une chose est sûre, mon duvet n’y était pas, pour le reste…
Je reviens au pas de course à l’hôtel. Je suis en nage, mon pantalon de moto s’est transformé en sudisette, je suis dans un état de nerfs incroyable. On renonce à faire une déclaration de vol, car nous ne récupérerons rien et demain nous quittons le pays. On tente de négocier la gratuité de la chambre en dédommagement  mais l’hôtelier refuse. On n’a pas de moyen de pression et on ne saura jamais si le voleur venait de l’extérieur ou de l’intérieur.
Dégoutés, en colère, on trace jusqu'à San Ignacio, à la frontière du Guatemala. 
Nous y retrouvons avec plaisir, Joël et son Suzuki 650 DR, notre compagnon de route dans les montagnes du Chiapas.

Echaudés par le vol de Belize City, Kenny, le sympathique propriétaire de notre hostel, nous propose de sécuriser les motos en les rentrant dans la petite boutique d'artisanat située au rez-de-chaussée et tenue par une de ses copines.

L’hostel est vieux, construit en planches, tout de guingois. Les lits ne sont que des planches de bois recouvertes d’un matelas plat comme une crêpe, et je préfère retirer mes lunettes pour ne pas voir les taches. J’utilise en apnée les sanitaires dont la propreté est plus que douteuse. Les clients ressemblent plus à des dealers et des prostituées qu’à des touristes mais il n'est pas cher. Kenny a entreprit quelques travaux de rénovation et en ce moment, il repeint la terrasse de sont petit établissement. Mais toute la soirée, devant son auditoire, bière après rhum, le sex-symbol au sourire édenté, a raconté avec humour, ses nuits « hot » avec ses nombreuses conquêtes qu'il visite presque chaque nuit, quand ce n’est pas deux ou trois la même nuit… Quelle santé ! Les garçons sont ébahis, moi je me demande s’il ne se vante pas un peu.
Et pendant ce temps là, son pinceau sèche dans la peinture...
J'ai laissé les garçons ricasser ensemble avec leurs verres de rhum et je suis allée me coucher sur ma paillasse, bercée par la musique de la star locale Bob Marley et ses Wailers. Yeah man !

Faut dire que question rasta man, il y en avait un qui m’a bien impressionnée le lendemain matin au petit déjeuner. Il nous a expliqué qu'il avait arrêté de se couper les cheveux en 1991...d'ou le gros chignon en paquet sur sa tête. Détachées, ses dread-locks trainent par terre et il ne les lave que les jours de pluie ! D’un œil soupçonneux, je le regarde se gratter la tête avec son ongle de cinq centimètres. Il veut que je lui donne de l’argent en échange d’une photo. « Non mais ça va pas la tête, non ! ».
Nous passons enfin au Guatemala, Joël sera avec nous, ce sera plus facile d'être à plusieurs...pour surveiller les motos.